Construction amateur en France : introduction aux normes et règlementations

Construire en amateur ne requiert pas seulement le maniement de la scie et du rabot. Un minimum de connaissances et de démarches réglementaires sont nécessaires avant que le fruit de notre labeur puisse toucher l'eau en toute sécurité et légalité. Lecture accompagnée...

Principaux documents applicables

La Division 240 régit la navigation de plaisance en France. En ce qui nous concerne, elle définit la notion de construction amateur, pointe vers les normes à respecter, définit les conditions de certification des navires, spécifie l'armement de sécurité minimum, entre autres. La Division 240 est téléchargeable gratuitement ici.

En ce qui concerne conception et construction, la Division 240 impose le respect de la norme ISO 12217. Celle-ci est déclinée en trois volets, correspondant au type de navire à construire :

Les normes « principales » ci-dessus font en outre fréquemment référence à d'autres (et nombreuses) normes. Les plus importantes dans notre contexte étant :

La profusion de ces normes est d'autant plus irritante qu'aucune n'est téléchargeable gratuitement. Pour satisfaire l'obligation de gratuité d'accès à la loi, une version papier de ces documents est consultable dans diverses administrations, sans possibilité de photocopie bien sûr...

Il y a heureusement plusieurs bonnes nouvelles :

Pour ceux qui souhaitent acheter auprès de l'ISO, c'est ici. On peut également passer par la boutique de l'Afnor, ici.

En synthèse, disons que pour tout plaisancier, la Division 240 est indispensable et instructive. La norme ISO 12217 est indispensable au concepteur d'un nouveau bateau (ou à celui qui modifie substantiellement un plan existant). L'usage des autres normes est à voir au cas par cas et en relation avec l'ampleur du projet considéré (pour un dériveur de 4,5 m, on se contentera du « kit minimum »).

Construction amateur

La construction professionnelle de navires est très encadrée. Elle est entérinée par l'apposition de la marque « CE » sur le navire. Pour les constructeurs amateurs, la Division 240 prévoit une dispense de marquage « CE », selon les dispositions suivantes :

La construction doit être menée par un amateur, de bout en bout. Dès lors que tout ou partie de la construction est effectuée par un acteur commercial, le régime du marquage « CE » s'impose. L'achat auprès d'un chantier d'une coque nue pour finition en amateur n'entre donc pas dans dans le cadre restreint de la construction amateur. A contrario, la réalisation d'un navire par un amateur, sur base d'un plan fourni par un architecte professionnel ou d'un kit ouvre droit à dispense de marquage « CE ». De même, le gréement peut être acheté dans le commerce dès lors que la coque a été réalisée par l'amateur et lui seul. (C'est « l'assemblage » qui doit être réalisé intégralement par l'amateur.)

Pour les catégories de conception B et C, le constructeur amateur peut recourir à l'auto-certification. Pour ce faire, il évalue lui-même la conformité de son navire (et en particulier stabilité et flottabilité de celui-ci selon la norme ISO 12217 idoine). Il remplit une déclaration sur l'honneur de ladite conformité et le tour est joué. La norme ISO prévoit plusieurs modes d'évaluation, le plus simple (pour les petits voiliers) étant un test grandeur réelle de renversement et de flottabilité navire envahi. Ce test est simple de mise en œuvre et instructif pour le constructeur/navigateur. Le bon sens marin prévaut ici, ce dont on ne peut que se féliciter.

Le constructeur amateur déclare son navire et la conformité de celui-ci aux normes et réglementations citées dans la Division 240. Il reçoit en retour une Carte de Circulation qui lui permet de mettre son navire à l'eau et, le cas échéant, de le faire franciser (d'obtenir le droit de payer un impôt).

En contrepartie de ces démarches simplifiées, le constructeur amateur a interdiction de céder (vendre ou donner) le navire dans un délai de cinq ans à compter de la date d'immatriculation. L'on peut voir dans ce délai une disposition darwinienne donnant le temps aux sabots dangereux de couler avec leur concepteur avant qu'ils ne fassent d'autres victimes. Ou alors, s'agit-il d'une manière de protéger l'industrie de la plaisance contre une concurrence réputée déloyale ; qui sait ?

Que certifier, et pourquoi ?

La réglementation est de plus en plus astreignante en matière d'immatriculation d'objets flottants. La Division 240 établit une liste précise, courte, d'objets flottants et autres engins de plage non soumis à immatriculation : pédalos, (toutes petites) annexes, planches à voile, etc. À ces exceptions près, tout navire mis à l'eau dans les eaux territoriales françaises doit porter immatriculation et doit donc passer par l'étape de certification. Les petites embarcations ne sont pas encore soumises à cette obligation en eaux intérieures (lacs et rivières), mais cette exception devrait disparaître prochainement.

Pour contourner les obligations légales et la taxe de francisation, certains constructeurs font immatriculer leur coque en Belgique, réputée moins tatillonne ou gourmande en impôts. La Division 224 puis la 240 qui lui a succédé, incarnent l'effort de l'administration française pour simplifier et rationaliser les obligations réglementaires de la plaisance. Dans le cas qui nous concerne de la construction amateur, l'on peut aujourd'hui avancer que, pour un navire de moins de 7 m et 5 CV fiscaux (pas de taxe de francisation), le plus simple est l'auto-certification sous la Division 240 : démarches simplifiées, coût nul. Pour les grands voiliers et navires à moteur puissants, un autre choix peut faire sens, à creuser au cas par cas.

La question principale à laquelle le constructeur amateur doit répondre lors de sa demande d'immatriculation est : quelle catégorie de conception ? La Division 240 en définit quatre : deux hauturières (A et B) et deux pour les eaux plus clémentes (C et D). Il est possible de certifier un même navire dans plusieurs catégories, en fonction du cas d'utilisation (nombre de passagers). Par exemple, il est courant de certifier un day-boat en D5 (catégorie D pour 5 personnes à bord) et en C2 (catégorie C pour 2 navigateurs).

Plus la catégorie de conception est hauturière, plus les contraintes de stabilité et flottabilité sont importantes : présence d'un pont étanche, cockpit auto-videur, plus grand franc-bord, etc. (C'est tout l'objet de la norme ISO 12217).

Deux remarques importantes :

En construction amateur, l'on dispose la plupart du temps d'un plan éprouvé et/ou conçu par un architecte professionnel. Si le plan est français et récent, la catégorie de conception aura été définie par l'architecte. Dans ce cas idéal, il suffira de se conformer strictement au plan pour que l'auto-certification dans la (ou les) catégorie mentionnée relève de la simple formalité. Certains constructeurs amateurs se dispensent alors des tests de stabilité, ce qui est légalement discutable et surtout dommage en matière d'apprentissage des caractéristiques du bateau auquel l'on confiera prochainement sa vie et celle des siens.

Second cas de figure, le plan ne comprend pas d'indication de catégorie de conception. S'il s'agit d'un plan étranger récent, un e-mail à l'architecte permet souvent de se ramener dans la situation précédente. Dans le cas contraire, le constructeur devra évaluer lui-même la catégorie de conception sur base de son plan et de la norme ISO 12217.

Dernier cas, le constructeur amateur conçoit lui-même son bateau. Il doit alors définir la catégorie de conception sur base ISO 12217. S'il est très expérimenté et qu'il conçoit un navire hauturier, rien ne l'empêche de concevoir et construire en catégorie A, puis d'auto-certifier en catégorie C ou D. Comme il sera l'utilisateur du navire, il pourra l'emmener à l'autre bout du monde à ses risques et périls (dès lors que les exigences d'armement hauturier auront été remplies). Il n'y aurait problème légal que s'il cherchait ultérieurement à céder son bateau en arguant d'une conception A.

Immatriculation

Le délai de cinq ans prenant effet à la date d'immatriculation, il est préférable de ne pas traîner pour lancer les formalités. La date de complétude de la coque constitue un bon moment pour initier la démarche, sans attendre la livraison de la garde-robe par le voilier (par exemple).

La demande d'immatriculation doit être adressée au bureau des Affaires Maritimes (« Affmar ») du lieu de résidence du constructeur (liste et adresses sur Internet). Dans le cadre d'un lieu de résidence éloigné des côtes, le constructeur a même le choix du bureau qu'il souhaite solliciter ; le luxe !

Les démarches se limitent à quelques formulaires très simples : demande d'immatriculation et déclaration de conformité. Par prudence, il est préférable de prendre contact avec le bureau pour faire préciser la démarche avant d'envoyer les formulaires (téléchargeables). Tout peut être fait au téléphone ou par e-mail. La majorité des membres de Bateaubois témoigne de la facilité et de la rapidité de l'obtention du précieux sésame, la Carte de Circulation, véritable « carte grise » du navire.

Les Affmar délivrent deux numéros distincts : le numéro de coque (CIN) et l'immatriculation du navire. Le premier suivra la coque jusqu'à sa déclaration de destruction, alors que le second pourra changer avec le lieu de résidence du propriétaire ou lors d'une cession.

Le constructeur doit :

  1. Reporter le CIN et d'autres mentions légales sur une plaque gravée fixée à l'intérieur de la coque du bateau
  2. Reporter le CIN sur le tableau arrière et à un endroit caché de la coque (lutte contre le vol)
  3. Apposer le nom du bateau à la proue
  4. Reporter le numéro d'immatriculation bien en évidence près de l'emplacement prévu pour la VHF

Si la coque fait moins de 7 m, les dispositions (2) et (3) sont facultatives.

Il y a un formalisme strict en matière d'emplacement des marques et de taille de caractères.

 

Une fois terminées ces démarches simples, le constructeur amateur peut :